Violences sexuelles : informatique, physique, mécanique, plus de 30 % des étudiantes victimes

Violences sexuelles : informatique, physique, mécanique, plus de 30 % des étudiantes victimes

Violences sexuelles : informatique, physique, mécanique, plus de 30 % des étudiantes victimes

Dans une étude scientifique auprès de 67 000 étudiantes, étudiants et élèves de grandes écoles commandée par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR), 29,3 % des étudiantes en informatique, 33,3 % de celles en mécanique et 31,5 % de celles en physique déclarent avoir subi au moins une violence sexuelle depuis le début de leur cursus.

Laurent Bègue-Shankland, enseignant-chercheur à l’Université Grenoble Alpes, a rendu le 2 octobre l'étude [PDF] que le ministère de l'Enseignement supérieur et la recherche (ESR) lui avait commandée à propos des violences sexuelles dans l’enseignement supérieur en France.

Menée du 15 novembre 2023 au 29 février 2024, auprès de 67 000 personnes qui étudient dans le supérieur français, cette étude est inédite. Globalement, parmi ces personnes, 9 % des hommes, 24 % des femmes et 33 % des personnes transgenres/non binaires/queer indiquent avoir subi au moins une tentative d’agression sexuelle, une agression sexuelle, une tentative de viol ou un viol pendant leur cursus. Le communiqué de presse du ministère souligne que « les femmes restent les plus concernées avec 71,4 % (n = 9272) du total des victimes de VSS ».

Du côté des disciplines qui intéressent particulièrement Next, le bilan n'est pas des plus reluisants. En mathématique, 21,8 % des étudiantes déclarent avoir été victimes de violences sexuelles au cours de leurs études (2,2 points en dessous du pourcentage dans la population globale). Mais en informatique, en physique ou en mécanique, le pourcentage est de, respectivement, 29,3 %, 31,5 % et 33,3 %.

Une place importante de l'alcool, beaucoup moins du cannabis

Le ministère a demandé à Laurent Bègue-Shankland, addictologue, de faire un focus sur la place de l'alcool et du cannabis dans ces violences. « Selon les estimations des victimes, l'auteur était alcoolisé dans 61,9 % des tentatives d'agression sexuelle et 56,4 % des cas d'agressions sexuelles. C'était le cas dans 41,8 % des tentatives de viol et 42,6 % des viols », explique l'étude.

L'auteur précise que « la littérature scientifique internationale a depuis longtemps identifié la consommation d’alcool comme un cofacteur majeur des violences sexistes et sexuelles mais c’est la première fois en Europe que nous avons pu les spécifier sur un échantillon d’une telle ampleur en milieu étudiant ».

« Près de 16 % des victimes d'agression sexuelle (ou tentatives) indiquent que l‘auteur avait tenté de modifier leur état de conscience au moyen d'alcool ou d'autres substances pour avoir un avantage sur elles et 23 % des victimes de viol (ou tentatives) », ajoute-t-il dans l'étude.

Concernant le cannabis, « en comparaison avec l'alcool, [il] est faiblement présent en situation de violence sexuelle : entre 3 % et 6 % des victimes déclarent en avoir consommé avant les faits, et entre 8 et 13 % estiment que c'était le cas de l'auteur ».

Des agressions sexuelles par des inconnus, des viols par des proches

Lors de ces situations de violences sexuelles, « des menaces non physiques (de mauvaise note, d’atteinte à la réputation) ou physique ont été proférées dans 6 à 7 % des agressions sexuelles (et tentatives) et 13 à 16 % des viols (et tentatives), tandis qu’une contrainte physique a été exercée à l’encontre des victimes dans 11 à 15 % environ des faits d’agressions sexuelles (ou tentatives) et 32 à 35 % environ des viols ou
tentatives
 ». Le graphique ci-dessous détaille ce contexte coercitif :

Concernant les agresseurs, « dans 90 à 95% des cas, quelles que soient les violences subies, les auteurs désignés sont de sexe masculin » et sont d'autres étudiants « dans près de 70 % des cas d‘agression sexuelle (ou tentatives) et 60 % des cas de viols (ou tentatives) ». Leur filière est le plus souvent connue des victimes.

Selon l'étude, les auteurs d'agression sexuelle (ou tentatives) sont, la plupart du temps (70 %), des personnes inconnues, rencontrées depuis peu, ou de simples connaissances. Mais pour les viols (ou tentatives), « il s'agit du partenaire ou l'ancien partenaire » dans 40 à 50 % des cas et d'un ami proche dans un peu plus de 11 % des cas.

Concernant les suites de ces violences sexuelles, « dans une grande majorité des cas, aucune procédure n'a été initiée dans l'université des victimes et aucune plainte n'a été déposée auprès des autorités », explique le chercheur. Il ajoute que « si le recours à des procédures intra-universitaires ne varie pas selon les actes subis, on peut observer une élévation du recours au dépôt de plainte auprès des forces de police ou de l'autorité judiciaire selon la gravité des faits. Il est ainsi trois fois plus fréquent en cas de viol
(7.9 %) que de tentative d'agression sexuelle
». Son étude ne recense pas, par contre, les suites de ces démarches.

Des programmes de prévention à mettre en place par le ministère

Se basant sur la littérature scientifique existante, Laurent Bègue-Shankland conseille au ministère de s'inspirer de plusieurs dispositifs de prévention. Le premier type de programmes « se focalise sur les hommes ayant des consommations excessives, principaux responsables des violences sexuelles » liées à l'ébriété, explique-t-il, donnant comme exemple le SAFE (Sexual Assault and Alcohol Feedback) américain, évalué positivement en 2023. Il indique aussi que « la sensibilisation aux situations de violence sexuelle en tant que témoins augmente également le sentiment d’être en capacité d’intervenir, l’intention de le faire et les conduites prosociales ».

Enfin, ajoute-t-il, « plusieurs programmes spécifiques s’appuient sur les principe de réduction des risques. Bien que les femmes ne soient nullement responsables des agressions sexuelles qu’elles subissent, en tant que victimes les plus fréquentes, il peut leur être utile d’intégrer des informations leur permettant de reconnaître les tactiques des perpétrateurs et de maîtriser les compétences pour éviter, interpréter et résister aux avances indésirables ». Il donne en exemple ici le programme SARE (Sexual Assault Resistance Education).

Commentaires (4)


On a beau être au fait et connaitre ce type de statistiques.
Dieu du ciel que ça fait peur.
On a vraiment encore du boulot pour éduquer nos garçons.

Merci pour l'article en tout cas.
Modifié le 03/10/2024 à 13h34

Historique des modifications :

Posté le 03/10/2024 à 13h33


On a beau être au fait et connaitre ce type de statistiques.
Dieu du ciel que ça fait peur.
On a vraiment encore du boulot pour éduquer nos garçons.

+1
et je me disais en lisant ça qu'il y a un côté déprimant à constater que pas grand chose a changé depuis 25 ans. Si, un truc. douloureux mais nécessaire : en être conscient, le rendre public.
Le simple fait que l'étude existe, que des personnes aient eu la possibilité de se pencher sur le sujet est déjà un premier pas.
Ce qui me tue dans l'affaire, c'est le mot "prévention". Étant un gosse des années 80, j'ai entendu ce mot prononcé maintes fois par X ministres de l'éducation de tous les bords... tout comme les mots fatals d'"éducation sexuelle".

Une année, au collège, une prof courageuse a essayé de faire un tel cours... La moitié des élèves, tous des mâles, ont commencé par ricaner et à se moquer, a tel point qu'ils empêchaient le cours de se dérouler.

La prof a donc été obligé de mettre dehors la moitié de la classe. Puis le cours a commencé, qui devait porter sur les moyens de contraception... mais là elle s'est aperçu que la plupart des filles ignoraient complètement le fonctionnement de leur propre corps, à commencer par les règles !

Elle a donc patiemment commencé à expliquer le cycle menstruel... ce qui a en fait pris tout le temps du cours ! La sonnerie s'est déclenchée... et tout s'est terminé. Nous n'avons plus jamais eu l'occasion d'y revenir, vu qu'il n'y a plus jamais, jamais eu d'autres cours de ce genre.

Par la suite, dans les différents lycées par lesquels je suis passé, je n'ai jamais, jamais entendu parler même d'une vague possibilité de commencement de projet d'idée de cours d'éducation sexuelle.

Je crois que l'ignorance est un aspect non-négligeable du problème. J'ai l'impression que les parents nés à mon époque, à défaut d'avoir reçu un vrai enseignement factuel et complet, n'ont fait que transmettre leur ignorance à la génération actuelle.

Nous n'avions pas internet, mais est-ce mieux aujourd'hui ? Les ados actuels sont littéralement saturés d'informations, dont une grande partie de "on dit", de fausses infos non vérifiées lues sur les RS, de pornographie, de préjugés faciles et d'affirmations péremptoires tout à fait ridicules, si on prends un tout petit peu de distance et de temps de réflexion.

En fait cette saturation d'infos est tout à fait équivalente, dans ses effets concrets, à une ignorance généralisée. Je suis persuadé qu'un nombre conséquent de viols pourraient évités si nous prenions le temps de mieux apprendre l'autre et son fonctionnement.

Les différences de genre et de sexualité (et je ne parle pas des différences culturelles) sont - oui, encore aujourd'hui - une grande source d'inquiétude et de défiance, nous en venons à avoir peur de "l'autre", ce grand inconnu, voire à le haïr parce que l'on ne le comprends pas.

De mon côté, je suis persuadé que "l'autre", ce n'est que nous, mais plongé dans un contexte et un environnement différend. "Filles", "garçons", "lgbtqia+"... nous avons plus, bien plus en commun que nous ne le soupçonnons. Nous sommes bien plus banals que nous le croyons.

Justes des êtres humains, ordinaires, mais capables de l'extraordinaire... ou du pire.
Modifié le 03/10/2024 à 14h51

Historique des modifications :

Posté le 03/10/2024 à 14h49


Ce qui me tue dans l'affaire, c'est le mot "prévention". Étant un gosse des années 80, j'ai entendu ce mot prononcé maintes fois par X ministres de l'éducation de tous les bords... tout comme les mots fatals d'"éducation sexuelle".

Une année, au collège, une prof courageuse a essayé de faire un tel cours... La moitié des élèves, tous des mâles, ont commencé par ricaner et à se moquer, a tel point qu'ils empêchaient le cours de se dérouler.

La prof a donc été obligé de mettre dehors la moitié de la classe. Puis le cours a commencé, qui devait porter sur les moyens de contraception... mais là elle s'est aperçu que la plupart des filles ignoraient complètement le fonctionnement de leur propre corps, à commencer par les règles !

Elle a donc patiemment commencé à expliquer le cycle menstruel... ce qui a en fait pris tout le temps du cours ! La sonnerie s'est déclenchée... et tout s'est terminé. Nous n'avons plus jamais eu l'occasion d'y revenir, vu qu'il n'y a plus jamais, jamais eu d'autres cours de ce genre.

Par la suite, dans les différents lycées par lesquels je suis passé, je n'ai jamais, jamais entendu parler même d'une vague possibilité de commencement de projet d'idée de cours d'éducation sexuelle.

Je crois que l'ignorance n'est est un aspect non-négligeable du problème. J'ai l'impression que les parents nés à mon époque, à défaut d'avoir reçu un vrai enseignement factuel et complet, n'ont fait que transmettre leur ignorance à la génération actuelle.

Nous n'avions pas internet, mais est-ce mieux aujourd'hui ? Les ados actuels sont littéralement saturés d'informations, dont une grande partie de "on dit", de fausses infos non vérifiées lues sur les RS, de pornographie, de préjugés faciles et d'affirmations péremptoires tout à fait ridicules, si on prends un tout petit peu de distance et de temps de réflexion.

En fait cette saturation d'infos est tout à fait équivalente, dans ses effets concrets, à une ignorance généralisée. Je suis persuadé qu'un nombre conséquent de viols pourraient évités si nous prenions le temps de mieux apprendre l'autre et son fonctionnement.

Les différences de genre et de sexualité (et je ne parle pas des différences culturelles) sont - oui, encore aujourd'hui - une grande source d'inquiétude et de défiance, nous en venons à avoir peur de "l'autre", ce grand inconnu, voire à le haïr parce que l'on ne le comprends pas.

De mon côté, je suis persuadé que "l'autre", ce n'est que nous, mais plongé dans un contexte et un environnement différend. "Filles", "garçons", "lgbtqia+"... nous avons plus, bien plus en commun que nous ne le soupçonnons. Nous sommes bien plus banals que nous le croyons.

Justes des êtres humains, ordinaires, mais capables de l'extraordinaire... ou du pire.

L'alcool a bon dos dans les causes. Cela peut être un "facilitateur" mais pas la raison principale.

Ce qui manque, ou alors j'ai mal lu, c'est une statistique pour tracer si les agressions sont le fait d'un petit nombre de personnes ou si c'est une agression = un agresseur.
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